Laurent

a été victime de viols à 6 ans par son frère

Pourquoi avez-vous participé à l’exposition ?
Je souhaite montrer aux adolescent.e.s victimes de violences sexuelles qu’on peut vivre avec, même si c’est douloureux. On a droit au bonheur, même avec cette cicatrice. La honte doit changer de camp et nous devons avoir la tête haute.

«Mon agresseur était mon frère. Mon frère était mon héros, mon idole. Je n’aurai pas pu imaginer qu’il puisse un jour me faire du mal. J’avais 6 ans lorsqu’un matin d’été, il m’a violé pour la première fois. Il avait 16 ans. C’était les tous premiers jours des vacances d’été, les grandes vacances comme je disais alors. J’étais dans mon lit, heureux, insouciant, imaginant qu’elle allait être ma journée avec mon frère, mon héros de frère. J’étais en pyjama d’été, juste un short et un tee shirt.

J’avais 6 ans et j’ignorais alors que mon calvaire allait durer 3 ans. J’ignorais même qu’il allait durer moralement tellement plus de temps encore.

Nous partagions la même chambre. Il m’agressait à chacun de ses retours d’internat, durant les vacances. Les vacances étaient pour moi synonymes d’horreur.  Il m’a demandé de garder le silence. Il m’a dit que cela devait être notre secret. Il m’a dit cette phrase qui a résonné durant toute ma vie en moi, qui est devenue le titre de mon livre : « Tous les frères font comme ça… » Selon lui, si je parlais, nous ne serions plus frères. Alors…je me suis tu. Durant plus de 35 ans.

Je n’ai pas déposé plainte. Parce que, lorsque j’ai enfin trouvé la force de libérer ma parole, lorsque j’ai enfin trouvé le courage de dire cet indicible auquel il m’avait contraint, il y avait prescription. Cela veut dire que, même s’il avait reconnu les crimes ignobles qu’il m’avait fait subir, il n’aurait pas pu être jugé, condamné. Parce qu’il s’était passé trop de temps entre les faits et mes mots libérés. Aujourd’hui, et depuis le mois d’aout 2018, avec la loi de Marlène SCHIAPPA, une victime a jusqu’à 30 ans après sa majorité pour déposer plainte. Soit jusqu’à l’âge de 48 ans.  A mon époque, c’était 20 ans après la majorité.

J’ai parlé à l’âge de 42 ans et, comme dans 70 % des cas, j’ai été exclu de ma famille.  On n’a pas cherché à savoir. On n’a pas cherché à comprendre. On m’a jugé, traité de menteur et on a tiré un trait sur moi, rayé de ma famille. Juste avant, ma mère malgré tout m’a dit qu’elle me croyait car elle s’en était toujours doutée ! Cette phrase a été un choc terrible et cela a assombri la libération de ma parole. Comment ma mère qui devait me protéger, comment avait-elle pu me laisser ainsi dans les griffes de mon bourreau. Alors que la solution était toute simple : il a suffi que ma mère nous sépare de chambre pour que tout s’arrête…

A vous qui me lisez, vous qui, sans rien dire, grandissez avec cette même fêlure, cette même blessure que moi, sachez qu’on ne peut pas refaire son histoire. Il faut vivre. Vivre avec. Vivre pour leur donner tort. Vivre parce que nous ne sommes pas coupables. Vivre parce que cela en vaut la peine. Et surtout, quelles que soient vos craintes ou les conséquences, il faut dire, parler, soulager son âme de toutes ces horreurs pour que nos pas, nos vies soient moins lourdes.

Vivre parce que malgré tout, cela en vaut la peine….»