Marie
a été victime à 10 ans d’un viol commis par un homme religieux
Pourquoi avez-vous participé à l’exposition ?
– J’aimerais dire aux jeunes qu’il est important de parler à quelqu’un quand on vit des situations douloureuses.
– Il est important de comprendre ce qui s’est passé pour ne plus être victime.
– Les agresseurs sont souvent des personnes de l’entourage de la famille.
– L’agression se passe bien souvent dans un lieu familier de la victime.
«L’agresseur était un homme religieux. Il proposait des cours de musique aux enfants. Les cours se passaient dans son bureau. Sa chambre était juste à côté de son bureau.
Il m’a demandé, un jour, d’aller dans sa chambre. Ce fut un viol par fellation.
J’avais 10 ans.
Aujourd’hui j’ai 47 ans.
Pendant 35 ans, ma mémoire s’est organisée pour effectuer un déni psychique.
Un jour, j’avais 45 ans, des flashs visuels sont arrivés à ma mémoire, du lieu, et de la situation.
Quand tout cela est revenu, j’ai vécu un moment très douloureux. Je n’arrivais plus à me lever le matin, à aller au travail.
J’ai demandé de l’aide psychologique pour être accompagnée.
J’avais besoin de prendre le temps de comprendre ce qui s’était passé, de prendre le temps d’y repenser et de le digérer émotionnellement.
Je ressentais de la colère et de la tristesse.
J’ai pris conscience de la gravité de ce viol puisque mon cerveau avait fait en sorte de me protéger de ce traumatisme pendant 35 ans.
Lorsque les flash du viol me sont revenus, l’agresseur était mort, depuis 10 ans, et il y avait prescription.
Mais je suis quand même allée au commissariat de police.
Ils ont accepté que je dépose une main courante.
Cela me permettait de faire une démarche symbolique de signalement et de protection personnelle.
Lors du viol, je portais un sweet en coton gris foncé, un pantalon beige et des baskets.»
Quel message souhaitez-vous transmettre ?
– La victime ressent de la honte et de la gêne car elle se sent dans une situation inacceptable ET elle pense qu’elle en est responsable.
– Lorsque vous voyez un(e) camarade de classe qui est souvent triste, osez lui demander pourquoi il/elle est triste ?
– Le viol est une arme de pouvoir (et non un besoin sexuel masculin comme on peut l’entendre parfois).
– Les agresseurs choisissent des victimes dont ils perçoivent une personnalité psychique fragile, remplie de peurs et de détresse (et non une victime séduisante comme souvent on peut l’entendre).
– Lors d’une situation de viol, les victimes sont dans l’incapacité de crier car il y a souvent une dissociation du corps avec les émotions. A petite échelle, c’est l’expérience d’une parole humiliante où l’on est dans l’incapacité de répondre car l’émotion est trop forte.
– Un message aux parents : la plus grande protection que vous pouvez apporter à vos enfants, c’est de les aimer inconditionnellement. Plus vos enfants vont se sentir aimer sans condition, dans toute leur personnalité, plus ils auront de l’estime d’eux même, et moins ils seront une proie auprès des agresseurs.
Les agresseurs, choisissent des enfants qui manquent d’amour et de protection. Ils peuvent les manipuler plus facilement.
Un enfant qui a été respecté dans toute sa personnalité se respecte lui-même dans ce qu’il ressent, dans ce qui est bon pour lui. Il ose parler puisqu’il se sent en confiance avec lui-même et avec ses parents.